AccueilActualitésLe diagnostic précoce : une révolution qui pourrait changer la vie des jeunes avec un diabète de type 1 ?

Le diagnostic précoce : une révolution qui pourrait changer la vie des jeunes avec un diabète de type 1 ?

Le Professeur Roberto Mallone est diabétologue à l’Hôpital Cochin de Paris et dirige une équipe de recherche qui travaille sur l’auto-immunité du diabète de type 1 (DT1). Pour l’Aide aux Jeunes Diabétiques (AJD), il est revenu sur les raisons pour lesquelles le DT1 devrait être diagnostiqué plus tôt, sur les solutions qui s’offrent aujourd’hui aux professionnels de santé et aux établissements de santé publique en général pour repérer les signes avant-coureurs et développer une meilleure prise en charge de l’enfant. Il revient également sur la recherche en cours et l’avenir pour les enfants et adolescents qui ont un DT1.

 

Le diabète de type 1, quelles sont les causes ?

 Le diabète de type 1 fait partie des maladies auto-immunes. Lorsqu’on développe un diabète de type 1, « notre système immunitaire qui nous protège normalement des infections, se trompe et commence à attaquer les cellules de notre propre corps. » Ces cellules immunitaires s’attaquent aux cellules du pancréas appelées bêta, responsables de la fabrication de l’insuline. Elles engendrent ainsi leur destruction. Cette destruction mène à une absence de production d’insuline qui doit par la suite être compensée par des injections extérieures, stylos ou pompes.

Les origines du diabète de type 1 restent à ce jour inconnues. « C’est un véritable mystère de la maladie comme pour d’autres maladies auto-immunes. » En revanche, quelques pistes sont aujourd’hui envisagées, nous explique le professeur. En effet, ce dernier évoque « une famille de virus appelés Coxackievirus B, des virus très répandus, responsables de grippes et de gastro entérites notamment chez les enfants. Ces virus, dans certaines situations, sont capables d’aller infecter les cellules du pancréas qui fabriquent l’insuline. Cette infection peut engendrer une petite destruction de ces cellules bêta qui va ensuite déclencher, détourner la réponse immunitaire. Si au départ, cette réponse aurait dû être bénéfique contre le virus, elle devient une réponse auto-immune, pathogène, qui va s’attaquer directement aux cellules bêta qu’elles soient infectées ou pas. »

Cependant, le diagnostic est souvent posé trop tard. Plus de 4 enfants sur 10 arrivent aux urgences pédiatriques en situation d’acidocétose. Aujourd’hui, on intervient « lorsque les dégâts sont déjà faits, c’est-à-dire lorsque la majorité des cellules bêta ont déjà été détruites. »

 

Les complications à court et long terme à éviter

L’acidocétose[1] est le facteur à court terme, le plus néfaste pour la santé des enfants selon le Professeur Mallone, qui entraînera d’autres complications graves.

« Dans l’immédiat, c’est une situation qui est très dangereuse, avec un risque vital. C’est aussi une situation qui a des retentissements cognitifs à court et moyen terme sur l’enfant. C’est enfin une situation qui va influencer les niveaux de contrôle des glycémies du diabète sur les années qui vont suivre. On parle là de 10-15 ans après le diagnostic. »

De manière générale, le diagnostic tardif actuel entraîne une destruction complète des cellules bêta du pancréas, qui engendre une perte totale du circuit naturel de production d’insuline et, de ce fait, une instabilité glycémique et un risque accru de complications tardives. À long terme, Roberto Mallone identifie ainsi plusieurs conséquences. Il parle du processus d’athérosclérose accélérée, provoqué par des niveaux de glycémie trop élevés. « L’athérosclérose c’est un peu comme de la rouille qui se forme à l’intérieur de nos artères » et que l’on observe dans différentes autres maladies, comme celles cardiovasculaires (infarctus par exemple).

Chez les personnes vivant avec un diabète dont l’équilibre n’est pas satisfaisant, cette “rouille” se dépose également dans des capillaires, c’est-à-dire des « vaisseaux sanguins de tout petits diamètres » et provoque des complications au niveau des yeux, appelée rétinopathie, au niveau des reins : la néphropathie, et au niveau des nerfs : la neuropathie diabétique.

 

Quelles solutions s’offrent pour empêcher ces situations ?

L’amélioration des connaissances de la maladie

Dans un premier temps, le professeur Mallone explique que la connaissance reste la clé de voûte de l’amélioration des pratiques des professionnels de santé. Connaître les symptômes du DT1 et les signes de l’hyperglycémie est indispensables tant pour les parents que pour le corps médical afin de permettre aux enfants d’être diagnostiqués plus tôt, mieux pris en charge et d’être orientés au mieux afin d’éviter l’acidocétose modérée ou sévère, le coma et parfois même la mort de l’enfant.

La recherche

Les études menées par le groupe de recherche du Pr Roberto Mallone participent également amplement au développement de la compréhension de cette maladie et de ses mécanismes. Ces travaux ont pour objectifs de :

  • Développer des tests de diagnostic plus précoces qui permettront d’aider les professionnels de santé à mieux détecter l’attaque auto-immune de la maladie qui s’est déclenchée ou qui va se déclencher dans un futur proche. Cela pourrait faciliter également l’intervention précoce grâce à de l’immunothérapie ou des traitements qui vont protéger les cellules bêta et retarder ainsi l’évolution de la situation vers la maladie clinique.
  • Développer de nouveaux traitements, qui sont testés par son équipe de recherche et par plusieurs réseaux européens comme INNODIA, et parfois même à l’échelle internationale.

 

Vers un diagnostic précoce ?

Le professeur Mallone explique qu’en Italie une loi a été votée en novembre 2023 permettant l’organisation d’un dépistage du diabète de type 1 (et de la maladie cœliaque) à l’échelle nationale, pris en charge par la sécurité sociale du pays. Cette mesure est entrée en vigueur le mois dernier en septembre et commence à se mettre en place sur des régions pilotes puis sera étendue sur l’ensemble du territoire.

Par ailleurs, des études ont été menées en parallèle dans plusieurs pays sur l’intérêt de ce dépistage. Les cohortes étudiées ont permis de mettre en évidence que le « dépistage offre des avantages car il ne s’agit pas de dépister un simple risque, mais de permettre un véritable diagnostic précoce du DT1, dans sa phase encore préclinique (c’est-à-dire, en absence de symptômes), et, de ce fait, d’anticiper la prise en charge. D’une part, on évite l’acidocétose, avec tous les inconvénients dont on a parlé. D’autre part, cela favorise les bonnes conditions pour la découverte clinique : une préservation d’un petit nombre de cellules bêta qui améliore l’équilibre glycémique et réduit le risque de complications tardives ; une prise en charge en dehors de l’urgence sans recours à des hospitalisations prolongées ; une adaptation graduelle et plus confortable au traitement par insuline.

L’autre avantage de ce dépistage est de proposer de nouveaux traitements, en cours de déploiement ou d’essais cliniques, qui peuvent permettre de retarder la progression de la maladie et donc le recours à l’insuline. »

Ainsi, le dépistage permettrait d’intervenir avant que l’état de santé de l’enfant soit trop dégradé et d’anticiper l’évolution de la maladie. « On étudie actuellement le développement des deux types de traitements : les immunothérapies (qui réduisent l’agressivité de l’attaque du système immunitaire), et les traitements visant à protéger la cellule bêta pour la rendre plus résistante à cette attaque et faciliter sa survie à moyen et long terme. »

 

Les 3 mots clés du professeur Roberto Mallone

Pour terminer, le professeur Mallone retient « insuline et contraintes » pour décrire le diabète de type 1 aujourd’hui. En revanche, il choisit « prévention » pour représenter le diabète de type 1 dans un futur proche. « La révolution qui est en train de se préparer c’est celle de la prévention, avec ses initiatives de dépistage, ses connaissances des signes de l’hyperglycémie, des symptômes et donc des traitements. Cela va changer la donne sur les années à venir pour le quotidien des enfants et des adolescents vivants avec un diabète de type 1. »

[1] L’acidocétose est une augmentation de l’acidité du sang engendrée par une accumulation des corps cétoniques, dû à un manque d’insuline dans le sang.